19/07/2025
Coup de â€ïž de lâĂ©té⊠les rĂ©cits choisis du premier roman de Virginie Delache đ.
Si le titre « Tous les trains đ du monde » est un peu ambitieux puisquâil sâagit plutĂŽt de « Quelques trains du monde », elle mâa transportĂ©e dans ses capsules temporelles et gĂ©ographiques. Son style est Ă la fois espiĂšgle et doux, sa posture tantĂŽt active tantĂŽt contemplative, ses expĂ©riences relevant dâune jeunesse lointaine comme dâun temps plus contemporain teintĂ© dâune certaine sagesse liĂ©e aux Ă©preuves de la vie.
Je ne peux vous livrer ici quâun court extrait dont je me suis dĂ©lectĂ© : une version bien personnelle de traiter lâexcitation avant dĂ©part.. ou lâart de faire sa valise !
« Faire ses bagages, pour la plupart dâentre nous, consiste Ă transfĂ©rer du placard vers une valise de quoi sâhabiller, se laver les dents et parfois travailler ou lire. Les plus rĂ©calcitrants parlent de corvĂ©e, soupirent, renĂąclent [âŠ] finissant par bĂącler lâaffaire en jetant hĂątivement quelques vĂȘtements au fond dâun sac. Il parait mĂȘme que certains ne font pas leurs bagages eux-mĂȘmes, ce qui ne manque pas de me laisser perplexe.
Câest pour moi au contraire, lâobjet dâune attention dĂ©libĂ©rĂ©e et excessive. Au-delĂ des considĂ©rations pratiques, jây accorde une dimension mĂ©taphysique : le plein et le vide, le nĂ©cessaire et le contingent, lâici et lâailleurs. Comme tout art de la composition â bouquet, plat, phrase -, il connaĂźt des formes grossiĂšres et dâautres parfaitement achevĂ©es. Sâapprocher de cette perfection, câest Ă©prouver une satisfaction profonde, un Ă©tat de plĂ©nitude. [âŠ]
LâexpĂ©rience me permet aujourdâhui dâaffirmer que toutes les valises ne se valent pas : certaines destinations, plus exigeantes, plus intĂ©ressantes en termes de bagages, sont source dâinspiration. Notons dâailleurs quâil en est une qui, pour des raisons affectives mais aussi esthĂ©tiques, les surpasse toutes : celle que lâon prĂ©pare pour sâen aller donner naissance Ă un enfant.
[âŠ] Une part du dĂ©fi, et de la jouissance, repose sur le fait dâimaginer lâAilleurs. Nous imaginer ailleurs, sans avoir aucune idĂ©e de ce quâest ce « lĂ -bas ». [âŠ] Il ne suffit pas, comme on pourrait le croire, dâemporter simplement « de quoi se couvrir » ou « de quoi marcher confortablement » mais dâĂȘtre, par le simple fait dâexaminer une veste tenue Ă bout de bras, transportĂ©e un soir de fĂ©vrier devant la mer de La Havane. De ressentir lâair frais sur la nuque, et de savoir que je serai prĂ©cisĂ©ment en train dâenfiler cette veste. Peu importe quâelle mâaille bien, ou que je lâaime particuliĂšrement, il sâagit dâautre chose. Ce doit ĂȘtre « la » veste, comme celui qui tente dâĂ©crire doit trouver « le » mot. »
đ Et vous que mettez-vous dans vos bagages ?