
25/05/2025
25 mai 2025
Je ne pétille pas. Non, non, je ne blague pas. Il y a comme une lassitude accrochée au crochet du cervelet. Une sorte de ouate grise, poisseuse, flotte dans l’air. La garce tente de hisser un drapeau noir, celui de la désolation sur le plancher de mon bastingage, marin.
Je me laisserai pas faire ! Pas KO, le Thébault, tant que sang coulera entre ses veines bleues, l’optimisme dirigera la boussole..
Bon, pas trop à s’inquiéter, le fou connaît le versatile de sa nature. Depuis longtemps, déjà, il use à satiété, des remèdes que lui prescrivent, sensations et émotions, pour remettre d’aplomb sa carcasse lunatique. Il suffit qu’il se concentre sur un coin de lèvres, sur un voilier lointain, un brin d’herbe proche, et hop, le mouflon retrouve son goût pour l’ascension, son appétit du, là-haut, où tout est bleu, apaisé, mirifique.
Pour l’instant, ce n’est pas gagné, je mouline, un peu, pas trop, dans la semoule du languide.
Alors, volontaire, buté, opposant des idées noires, je fabrique mon puzzle, un spécial. Il ne comporte que trois éléments. Les pièces ne s’imbriquent pas entre elles. Aucun paysage champêtre ou urbain, sujets récurrents du genre, n’illustreront l’affaire. Non, trois scènes volées, au zinc du passé, sur le comptoir du présent, suffiront pour sa composition. C’est tout ce que j’ai à offrir, aujourd’hui.
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1
Indécrottable distrait, j’entre dans la loge, sans frapper. Je la crois, inoccupée. Un cri m’accueille. Une comédienne, torse nu, illico, couvre, de la paume de ses mains, ses beaux seins blancs, laiteux. Je bredouille, bafouille, piètres excuses. Je ressors de l’endroit, confus, sans avoir récupérer mon carnet d’écriture, objet de cette désinvolture. Pourtant, la belle, je la vois, souvent, en ce moment, entièrement nue, interpréter un rôle. Elle se balade, même, parfois, à poil, sans gêne, dans les coulisses. Elle joue une autre. Dans le feutré du recueillement, elle est. La pudeur est la fleur de l’âme.
2
La nouvelle serveuse, visage angulaire, encadré de bruns cheveux mi-longs, arbore une généreuse poitrine sur laquelle repose une médaille pieuse. Un fessier charnu, enclin à la générosité des formes, en ajoute à son charme. On dirait, habillée, une Vénus renaissance. Malgré Me too, le physique semble, encore, pour la gent féminine, un critère de recrutement pour accueillir le client. Je dis ça, je ne sais pas, une impression
Après-midi morose, nous sommes seuls à l’intérieur du bistrot. Entre deux de ses escapades entre son zinc et la terrasse, raison service, nous causons. J’apprends que la demoiselle affiche vingt sept printemps. Elle paraît plus jeune Elle vit, en colocation avec une copine, à quelques kilomètres d’ici, vient au boulot en bus ou covoiturage. La jolie n’a pas de permis. Elle ne fera que la saison. Elle aspire à travailler dans un autre domaine. L’animal l’intéresse. Surprise, l’affable se prénomme Juliette.
Le soir, je lacère au canif ma résolution de ne jamais appeler, en premier, la parigote. La manuelle intellectuelle répond, s’étonne de ce coup de fil, inattendu.. Je lui confie la poétique raison de mon appel, cette rencontre d‘une fille qui porte son prénom, et qui comme elle, lors de notre rencontre, officie dans un bar, en attendant une situation qui lui sied.
Elle raille, gentiment, mon côté fleur bleue, de voir signes dans tout ce qui m’arrive. L’espiègle tempère : « Les Juliette ne discutent pas qu’avec les Roméo ». Elle s’exerce au bon mot.
3
Vu Mike, le basque, (dominical du 23 février), je le trouve amaigri. Je l’interroge sur sa santé. « Alors, le résultat des analyses ? ». Je ne sais pas, je ne ne les ai pas consultées » répond-t-il avant d’ajouter : « un anar doit savoir jouer à la roulette russe ».
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Ces trois grains, je les tire du quotidien. Je les incise sur ma peau rien que créer dimanche. Ils entretiennent, comme tous les autres auparavant, depuis quarante ans déjà, le vaisseau, aujourd’hui, vermoulu Je livre, sur vos quais, la dernière carg*ison de sa cale.
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L’EXISTENCE N’EST QUE PATIENCE
L’inspiration est dehors. Elle flotte dans l’air sans que je puisse l’attraper. Je n’en suis pas pour autant marri. Je n’ignore pas que mon agitation vaine, de coller un mot derrière un autre, pourrait attirer son attention. Alors, j’écris, sans énergie, ma petite gamme sans saveur. Tête embrumée, doigts courant sans passion sur le clavier, j’existe, pas fringant mais j’existe. J’amène au milieu de ce vide, une piètre image érotique, un nu, entre mes bras, tenu. Elle ne revient pas pour autant, la muse. Alors, je pioche au fond de mon urne, une émotion éteinte. Je tente la réanimation, je n’y parviens pas. Sans la présence d’une force créative, aucune résurrection n’est possible. Je cause d’une difficulté. qui n’en est pas une Il suffit du frétillement d’une herbe exerçant sa tige au métier de danseuse ou de toute autre candeur, pour que s’emballe à nouveau la machine insérée dans le cortex de mon cerveau. J’attends. L’existence n’est que patience.
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JOYEUX LIÈVRE
Sur l’aplat du toit d’ardoises, pose, sainte rieuse, une mouette. A droite, l’aube lève sa robe communiante et l’ensorcelée y fait jaillir un sang orange qu’épanche un ciel, fabrique d’anges A gauche, plus sombre qu’une ruelle d’égorgeurs, un touffus bloc d’arbres, en leurs branches enlacées, apporte toute la subtilité de la contradiction.
J’ai cueilli l’image étrange dans un songe où encore, tout à l’heure, j’y posais mes hanches dans la voluptueuse délicatesse d’un corps lascif. J’échappais, joyeux lièvre, à la dictature des genres, à toutes, d’ailleurs..
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BUVEUR DE BLEU
Avec du gris
sur la tempe
et du soleil orgeat
dans les cheveux
L’homme s’en allait
cahin-caha
boire un fût de ciel bleu
dans l’arrondi des talus
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CENDRES
Le vent enivre les astres
Au dessus du pointu clocher
la lune semble tituber
Dans l’aisance du silence
flotte plume
une feuille
détachée de l’arbre
Je vis tout
au sein de l’obscur
la languide lumière
du réverbère
la féerique de la luciole
les cendres de l’humaine
Serge Mathurin THÉBAULT